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Les jardinières bloquaient l'entrée

Des bacs à arbres installés sur les trottoirs de la commune empêchaient un exploitant de sortir de chez lui. La mairie a été condamnée à les ôter, au nom du respect des libertés fondamentales.

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L'histoire

SITUÉ À UNE CENTAINE DE KILOMÈTRES DE PARIS

, le village de Saint-Clovis voyait le nombre d'habitants paysans diminuer depuis près de vingt ans. Il y avait là des enseignants retraités, des écrivains méconnus et même des actifs qui, chaque jour, faisaient le parcours vers la ville où les appelait leur profession. Aux dernières élections municipales, pour la première fois, la majorité passa aux écologistes. Conseiller d'éducation à la retraite, Noël, le nouveau maire, entendait donner à sa commune la couleur de ses élus. La première offensive visait la rue centrale du bourg : pas un arbre, pas une fleur, des maisons d'un autre siècle avec leur remise et autres garages. Au lieu de planter des arbres, opération trop délicate selon lui, Monsieur le maire prit la décision d'acheter, pour décorer la rue, des arbres déjà adultes implantés dans de grands bacs de béton installés des deux côtés de la voie publique, en sorte que les immeubles se trouvaient séparés de la rue. Seuls les piétons, en se glissant entre deux bacs, pouvaient parvenir à la voie publique. La situation créée était particulièrement contrariante pour Joseph, cultivateur habitant la rue décorée du village. Le plus grave était que le rez-de-chaussée de son immeuble était entièrement consacré au logement de véhicules, depuis la camionnette jusqu'au tracteur. Encouragé par quelques vestiges de paysannerie, Joseph somma le maire de supprimer les bacs qui lui barraient l'accès à son garage et faisaient obstacle à un stationnement devant sa porte d'entrée. Au refus implicite du maire, il a répondu par une requête au tribunal administratif pour obstacle à la libre utilisation de son bien.

Le contentieux

L'AVOCAT DÉSIGNÉ PAR JOSEPH

connaissait la lenteur de la juridiction administrative. Heureusement, le législateur avait instauré une procédure de référé, incorporée aux articles L. 521-1 et L. 521-2, dans le cadre du respect des libertés fondamentales. Ainsi, en même temps que la requête au fond pour contester le refus par la mairie de la servitude légale d'accès aux immeubles, il a saisi le président du tribunal administratif statuant comme juge des référés, car il s'estimait privé d'une liberté fondamentale par le fait qu'il était empêché d'accéder à son bien. Mais qui dit référé dit urgence. La commune faisait valoir que Joseph ne s'était manifesté que trois semaines après l'implantation des bacs et, surtout, que la circulation des véhicules était interdite dans la rue. Balivernes pour le juge des référés ! L'article L. 521-2 lui permet de faire droit à la demande de Joseph, car l'accès à la voie publique par les riverains constitue un accessoire du droit de propriété. Et en l'espèce, le barrage formé par les bacs était de nature à empêcher l'accès normal à l'immeuble.

L'épilogue

EN CONSÉQUENCE, LE JUGE DES RÉFÉRÉS

ordonnera à la commune de supprimer les bacs, supports des arbustes entravant le libre accès aux immeubles. Conformément à la procédure, cette décision a été déférée au Conseil d'État, qui a rejeté le recours de la commune et y a ajouté quelques dommages et intérêts au profit de Joseph.

Jacques Lachaud

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